BIOGRAPHIE
Charles Matton (1931–2008)
Peintre, sculpteur, photographe et cinéaste, Charles Matton naît à Paris en 1931. Après l’Occupation, sa famille s’installe à Monte-Carlo, où son père, Pierre Matton, devient gérant de l’hôtel Excelsior. Pour contourner l’interdiction faite aux gérants de jouer au casino, la gestion est officiellement confiée à son épouse. Joueur compulsif, son père cherche inlassablement à « vaincre le zéro » à la roulette, tandis que sa mère, Magdeleine, prétend pouvoir prédire l’avenir. Dans cette atmosphère oscillant entre luxe et précarité, illusions et déménagements fréquents, l’imaginaire de l’artiste se forme.
Dès les années 1950, après une brève période abstraite puis cubiste, Matton explore des sujets qui préfigurent ceux du Pop Art, avant de se tourner vers des thèmes plus intimes : le corps humain, les animaux, la vie intérieure. En 1960, il expose pour la première fois au Cercle Volney, à Paris. Soutenu par Jean Fautrier, Alberto Giacometti et César, il s’impose peu à peu dans le paysage artistique. En 1966, il réalise La Pomme ou l’histoire d’une histoire, un court-métrage poétique salué par la Nouvelle Vague, qui éclaire les fondements de sa démarche artistique. Il alterne alors peinture, sculpture, photographie et cinéma, entre précarité financière et périodes fastes.
Dans les années 1970, Matton part à New York, où il collabore avec Jean-Paul Goude pour les couvertures du magazine Esquire. Il revient à Paris en 1976 pour poursuivre ses recherches plastiques et filmiques.
En 1983, l’exposition Séductions utopiques, organisée par Robert Delpire, marque un tournant critique. Une première rétrospective lui est consacrée au Palais de Tokyo en 1987, puis une seconde en 1991. Des penseurs comme Jean Baudrillard, Alain Finkielkraut, Jean Clair ou Paul Virilio reconnaissent dans son œuvre une réflexion profonde sur l’apparition, l’effacement, et les seuils de la perception.
Les années 1990 consacrent son travail. Au cinéma, il réalise deux longs métrages majeurs, produits par Humbert Balsan : La Lumière des étoiles mortes (1994), récit intime nourri de souvenirs d’enfance sous l’Occupation, et Rembrandt (1999), portrait d’un peintre frère, récompensé par un César des meilleurs décors et un Grand Prix du scénario. Sur le plan artistique, son œuvre gagne en reconnaissance, notamment en France, aux États-Unis, au Japon et à Taïwan. Le Palais de Tokyo lui consacre une nouvelle rétrospective en 1991.
C’est dans cette décennie qu’il développe ses célèbres boîtes : reconstitutions miniatures d’intérieurs réels ou imaginaires, véritables théâtres mentaux mêlant mémoire, illusion d’optique, jeux d’échelle et dispositifs de perception. Traversées de miroirs sans tain, ces « emboîtements » — comme il les nomme — cristallisent ses obsessions esthétiques : duplication, absence, lumière, vérité.
Dans les années 2000, son œuvre reçoit une reconnaissance institutionnelle : il expose à la FIAC (2000), à la Forum Gallery de New York (2002 et 2004), puis à la Maison Européenne de la Photographie (2007).
Parallèlement à ses œuvres plastiques, Charles Matton réalise plusieurs courts et longs métrages entre 1966 et 1999 : La Pomme ou l’histoire d’une histoire (1966), Paris, mai 68 ou les violences policières (1968), Activités vinicoles dans le Vouvray (1970), L’Italien des Roses (1972), Spermula (1976), La Lumière des étoiles mortes (1994) et Rembrandt (1999).
Il meurt en novembre 2008 et repose au cimetière du Montparnasse, à Paris.