PEINTURES

« Plutôt que d’être un peintre, quelqu’un qui fait tout simplement de la peinture, je me demande parfois si je ne me sers pas d’elle pour en faire l’analyse. La psychanalyser, remonter le temps pour découvrir l’origine de ses styles, leurs raisons d’être, puis philosopher sur mes découvertes, les hiérarchiser. »
Note personnelle, 6 octobre 2006
______
Des ronds et des carrés aux peintures d'espaces sur photographies, passant par les campagnes, les enfants, les accouplements, les vases et les bouquets, les villes blanches, les villes noires, les animaux, les hommages à Bacon, à Rembrandt, à Velasquez, les architectures, Paris, New York, Auvers-sur-Oise, les faïences, les femmes enceintes, les nourrissons, les piscines, les arbres, les flippers, les fêtes — quel sujet n’échappe pas au pinceau de Matton ?
Des visages traversés de silence aux intérieurs saturés de lumière, des corps mi-nus, mi-flous aux scènes figées dans l’attente, passant par les murs griffés, les plafonds tachés, les draps froissés, les objets déplacés, les plafonniers éteints, les encadrements d’ombres, les halos, les taches, les rideaux entrouverts, les portes refermées — quelle image, quelle matière, quel éclat de réel n’a-t-il pas tenté d’apprivoiser par la peinture ?
Des surfaces brillantes aux textures éteintes, des gestes fluides aux repentirs visibles, passant par les murs d’atelier, les pages de carnet, les parquets cirés, les comptoirs vides, les regards absents, les mains posées sur la table, les visages mangés de lumière, les fragments de peau, les silhouettes incertaines, les perspectives disjointes — que n’a-t-il pas traqué, recomposé, insisté, jusqu’à l’obsession picturale ?
Des clairs-obscurs empruntés aux maîtres anciens aux aplats presque photographiques du quotidien, des chairs modelées jusqu’au malaise aux objets sans nom, passant par les reflets ternes, les verrières grises, les carrelages froids, les morceaux d’anatomie, les souvenirs d’enfance transposés, les cauchemars doux, les gestes suspendus, les instants vacillants — à quoi n’a pas servi la peinture chez Matton, sinon à tout fixer, tout explorer, tout maintenir dans la lumière d’un regard ?