ILLUSTRATIONS

« J’étais épaté par le fait qu’Esquire s’adresse à Matton pour remplir le rôle d’illustrateur, c’est-à-dire à quelqu’un qui leur ferait des chefs-d’œuvre, et pas simplement quelqu’un qui trouverait des solutions graphiques à un problème intellectuel. Ils savaient que Matton ne ferait aucun compromis, et ils l’ont accepté. Le dessin était toujours aussi beau, aussi sûr, aussi inspirant. »
Jean-Paul Goude, interview personnel, 2009
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À la fin des années 1960, Charles Matton part à New York et travaille comme illustrateur sous le nom de Gabriel Pasqualini, formé de son deuxième prénom et du nom de jeune fille de sa mère. Il collabore avec le magazine Esquire, où il réalise, entre 1966 et 1970, près de soixante images. Il y travaille aux côtés de Jean-Paul Goude et Jean Lagarrigue, qui en assurent la direction artistique.
Ces illustrations — portraits, couvertures, compositions surréalistes — mobilisent les mêmes qualités de regard et de construction que le reste de son travail. Marx, Sartre, Hepburn, Vartan, Brando, Ferrer, Sinatra : autant de figures qu’il isole, transforme, de manière à la fois familière et décalée.
Matton aimait la contrainte du sujet imposé. “Ce qui me plaisait, c’est l’obligation de me soumettre au sujet. Ça contraint à mettre en question le style.” Et plus loin : “Ces images sont un peu comme ces chansons populaires qu’évoque Proust — simples, mais capables de dire ce que ni opéra ni symphonie ne peuvent exprimer.”
Rien ici n’est accessoire. Ce corpus affine un geste, aiguise un regard. Il ne s’oppose pas au reste de son œuvre : il en creuse une autre voie. Plus modeste en apparence, mais tout aussi chargée de mémoire, de projection, de réel.